Aller au contenu

Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
152

leur repas ; et ma mère se trouvant dans la cour, dit à celui qui avait été, pendant son absence, voler les pigeons du colombier, qu’il s’y en allât querir tout à l’heure deux ou trois paires. Quand je vis que le compagnon était entré dedans et que ma mère prenait le même chemin, je m’écriai :

— Maman, maman, gardez-vous bien d’aller au colombier. C’est là que loge la bête.

Elle se retourna alors et me demanda qui m’avait fait accroire cela, parce qu’elle ne voulait pas que l’on me donnât de tels épouvantements qui causent parfois de grandes maladies à de la jeunesse. Je lui racontai alors tout ce que j’en savais, depuis un bout jusqu’à l’autre, lui disant principalement que, quand notre valet était au colombier, il ne fallait pas s’en approcher, si l’on ne voulait pas être menacé, comme moi, par notre chambrière. Je vous laisse à juger si ma mère ne fit pas alors une belle vie à nos gens et si elle ne se résolut pas de me laisser toujours à la maison, puisque je prenais si bien garde au tort que l’on lui faisait.

Il faut que je passe sous silence beaucoup de petites naïvetés que je fis en ce bas âge, et que je monte un peu plus haut. Quand l’usage de la raison me fut venu, l’on me donna un homme pour m’enseigner à lire et à écrire, à quoi je ne fus pas longtemps ; puis l’on me fit aller tous les jours chez notre curé, qui m’apprit presque tout ce qu’il savait de latin.

J’avais déjà je ne sais quel instinct qui m’incitait à haïr les actions basses, les paroles sottes et les façons niaises de mes compagnons d’école, qui n’étaient que les