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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/180

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enseigné. Après qu’il m’eut bien recommandé à un certain avocat de ses anciennes connaissances, et l’eut supplié de me fournir tout ce qui me serait nécessaire, il s’en retourna en Bretagne, et me laissa entre les mains des pédants, qui, ayant examiné mon petit savoir, me jugèrent digne de la cinquième classe ; encore ne fut-ce que par faveur.

Ô quel changement je remarquai, et que je fus bien loin de mon compte ! Je ne jouissais pas de toutes les délices que je m’étais promises ; qu’il m’était étrange d’avoir perdu la douce liberté que j’avais chez nous, courant parmi les champs d’un côté et d’autre, allant abattre des noix, cueillir du raisin aux vignes, sans craindre les messierswkt, et suivant quelquefois mon père à la chasse ! J’étais alors plus enfermé qu’un religieux dans son cloître, et étais obligé de me trouver au service divin, au repas et à la leçon, à de certaines heures, car toutes choses étaient là compassées. Au lieu de mon curé, qui ne me disait pas un mot plus haut que l’autre, j’avais un régent à l’aspect terrible qui se promenait toujours avec un fouet à la main, dont il se savait aussi bien escrimer qu’homme de sa sorte. Je ne pense pas que Denis le Tyran, après le misérable revers de sa fortune, s’étant fait maître d’école afin de commander toujours, gardât une gravité de monarque beaucoup plus grande.

La loi qui m’était la plus fâcheuse à observer sous son empire était qu’il ne fallait jamais parler autrement que latin et je ne me pouvais désaccoutumer de lâcher toujours quelques mots de ma langue maternelle ; de sorte qu’on me donnait toujours ce que l’on appelle le