Aller au contenu

Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
161

Cela m’avait rendu méchant et fripon, et je ne tenais plus rien du tout de notre pays, non pas même les accents, car je demeurais avec des Normands, des Picards, des Gascons et des Parisiens, avec qui je prenais de nouvelles coutumes : déjà l’on me mettait au nombre de ceux que l’on nomme des pestes, et je courais la nuit dans la cour avec ce nerf de bœuf dans mes chausses pour assaillir ceux qui allaient aux lieux, pour parler par révérence. J’avais la toque plate, le pourpoint sans boutons, attaché avec des épingles ou des aiguillettes, la robe tout délabrée le collet noir et les souliers blancs, toutes choses qui conviennent bien à un vrai poste[1] d’écolier ; et qui me parlait de propreté se déclarait mon ennemi. Auparavant, la seule voix d’un maître courroucé m’avait fait trembler autant que les feuilles d’un arbre battues du vent ; mais alors un coup de canon ne m’eût pas étonné. Je ne craignais non plus le fouet que si ma peau eût été de fer, et exerçais mille malices, comme de jeter, sur ceux qui passent dans la rue du collège, des pétards, des cornets pleins d’ordures, et quelquefois des étrons volants.

Une fois, je dévalais par la fenêtre un panier attaché à une corde, afin qu’un pâtissier qui était en bas, à qui j’avais jeté une pièce de cinq sols, mît dedans quelques gâteaux ; mais, comme je le remontais, mon maître qui était à mon déçu[2] dans une chambre de dessous, le tira en passant à lui et ne le laissa point aller qu’il ne l’eût vidé. Je descendis en bas pour voir qui m’avait fait cette supercherie, et trouvant ce pédant sur le seuil de la porte, je reconnus que c’était lui et n’en osai pas seulement desserrer les dents. Ô le grand crève-cœur que j’eus ! il me commanda tout

  1. ndws : débauché, cf. Oudin, op. cit., p. 443.
  2. ndws : à mon insu, cf. éd. Roy, t. I, p. 182.