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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/196

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point ici quelqu’un de vos gens pour le prier qu’il me donnât ce petit tableau qui est attaché à la tapisserie. Il m’est impossible de discerner d’ici ce qui y est représenté.

— Je m’en vais vous le querir, dit le seigneur du château ; et, s’étant levé de sa place, alla prendre le tableau, fait en ovale, et pas plus grand qu’un cadran au soleil à porter en la poche, et le mit entre les mains de Francion, qui dit qu’il était marri d’en avoir parlé, puisqu’il était cause qu’il avait pris cette peine-là. En après, il tourna sa vue vers le tableau, où il vit dépeinte une beauté, la plus parfaite et la plus charmante du monde.

— Ha ! monsieur, s’écria-t-il, mettez-vous de tels enchantements dans la chambre de vos hôtes, afin de les faire mourir sans qu’ils y pensent, et d’avoir leurs dépouilles ? Ha ! vous m’avez tué en me montrant ce portrait.

— Tout le monde n’est pas si sensible que vous, dit le seigneur ; et, si je l’étais, je serais déjà mort, puisque j’ai beaucoup de fois contemplé les attraits de ce visage.

Francion alors regarda sur la couverture du tableau, car il se fermait comme une boîte et y vit écrit : Naïs.

— Que veut signifier cela ? dit-il.

— C’est le nom de la belle, lui répondit le seigneur ; elle est Italienne, comme vous pouvez voir par sa coiffure. Un gentilhomme italien, nommé Dorini, qui vint ici dernièrement, me prêta ce portrait pour huit jours, afin que j’eusse le loisir de le considérer à mon aise. Je l’avais mis en cette chambre-ci, qui est la plus secrète