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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/203

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sa pièce, aussi bien à la faire représenter qu’à en composer les paroles : Jupiter se plaignait qu’il avait mal à la tête, et disait qu’il s’en allait coucher, et qu’on lui apprêtât un bouillon et un consommé. Cela eût été bon, si l’auteur eût feint qu’il était à cette heure-là gros de Minerve.

Il avait mis quelques seigneurs qui en venaient assassiner un autre, sans en donner autre sujet, sinon qu’ils s’imaginaient qu’il avait offensé un de leurs parents, qui à son dire même ne se trouvait bien piqué. Aux endroits où il était besoin d’user d’une grande promptitude, il faisait tenir de longs discours inutiles, et tout partout il ne s’y disait rien qui ne fût hors de propos. Il y avait en la scène deux gentilhommes qui se plaignaient l’un à l’autre des rigueurs dont usait l’Amour en leur endroit ; ils se troublèrent un peu, de sorte qu’ils demeurèrent tout court, aussi muets que les planches même du théâtre, et ne se souvenaient point de faire de certaines actions qui étaient nécessaires. Le pédant leur soufflait derrière la tapisserie et leur disait ce qu’il fallait qu’ils fissent ; mais ils étaient si éperdus, qu’ils ne l’oyaient point. Pour donner remède à cela, il se met en évidence sur la scène et les fait souvenir de leur devoir. Aussitôt l’un des deux reprit la parole et continua en cette sorte une longue traite qu’il avait auparavant commencée :

Que viens-tu faire ici, animal sans raison ?
Éloigne-toi de nous, va et nous laisse faire.
Mieux que toi nous savons ce qui est nécessaire.