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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/204

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Il voulait parler à Cupidon en l’injuriant et lui disant qu’il ne vînt point troubler leur repos, que ses conseils n’étaient pas trop bons et qu’ils aimaient mieux suivre leurs sentiments qui leur apprenaient ce qu’il était besoin de faire pour vivre heureux ; car tout cela était expliqué plus au long par les vers qui suivent ceux-ci. Mais les auditeurs, voyant qu’en disant cela il se tournait vers son pédant, crurent qu’il parlait à lui sans doute, et je vous laisse à penser quel éclat de risée il y eut par toute l’assistance et si l’on put ouïr le reste des discours des amants, pour concevoir une autre opinion.

Voilà déjà un grand esclandre, mais il en arriva encore un autre qui ne fut pas moindre : j’avais été tué à la tragédie par mon ennemi, et après cela, je faisais le personnage d’une Furie qui voulait tourmenter l’homicide. Pendant que j’étais sur le théâtre avec celui que je poursuivais, il y eut un acteur qui, ayant aussi à changer d’habit, ne savait où mettre ses premiers ; parce qu’il était familier du régent, le voyant nu tête, il le couvrit d’un turban qu’il avait et lui jeta sa casaque dessus les épaules, dont il mit après les manches, encore qu’il eût sa soutane, à cause qu’il faisait froid. En ce même temps, celui après qui je courais de tous côtés, avec un flambeau ardent et des postures étranges, comme s’il eût été saisi d’horreur de me voir, commença d’hésiter en ses plaintes et récita six fois un même vers sans pouvoir trouver en sa mémoire celui qui devait suivre, pensant que je m’en souviendrais mieux que lui, à cause que je l’avais ouï par plusieurs fois répéter, il me disait :