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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/205

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— Comment est-ce qu’il y a après ? Francion, souffle-moi !

Mais sans songer à ce qu’il me demandait, je tournoyais d’un côté et d’autre. Notre régent, extrêmement en colère de voir cette ânerie, sort avec son libelle à la main, sans songer au vêtement qu’il avait pris, et le venant frapper d’un coup de poing, lui dit :

— Va, va, ignorant, je n’acquerrai que du déshonneur à cause de toi ; lis ton personnage.

Cet autre prend le papier, et se retire vivement derrière la tapisserie, pensant que ce fût le vouloir du régent. Moi, voyant mon maître accoutré tout de même que celui qui venait de sortir (car nos habits, venant des défroques d’un ballet du roi, étaient presque tous pareils) je crois qu’il vient là, au lieu de lui, pour achever son personnage qu’il n’a pu faire ; je le prends donc par une manche, comme il m’avait été enseigné et, le faisant tourner et courir d’un côté et d’autre, je lui passe le flambeau par-devant le nez, tellement que je lui brûlai presque toute la barbe. Tandis que mon compagnon, qui avait manqué, n’oyant pas récité ses vers à mon maître, croyait qu’il les eût oubliés aussi bien que lui, et les lui soufflait si haut, que l’on pouvait entendre du haut de la salle. Pensant alors qu’il fût devenu sourd, il rentre en la scène, et les lui vient crier aux oreilles : cela me confirma davantage en l’opinion que j’avais conçue, que notre pédant voulût jouer ce personnage de l’homicide ; et, comme j’étais plus fort que lui, je le tourmentai tant qu’à la fin il fut contraint de se laisser choir à terre. Je vous proteste que la poix-résine que