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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/210

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guère en souci pour cela, d’autant qu’il était pauvre, et qu’il s’imaginait qu’elle tâchait d’attraper au trébuchet quelque riche serviteur qui l’épousât. Je me souviens bien que, quand j’étais plus jeune en feignant de me vouloir chatouiller ou d’avoir envie de tirer quelque chose de mes pochettes, elle fourrait sa main aucune fois dedans celle de devant, où elle prenait la liberté de manier tout ce qu’elle y trouvait. Ô ! combien de fois ai-je dit en moi-même, en y songeant :



— Que n’ai-je maintenant la faveur que j’avais alors, ou que n’avais-je alors la puissance que j’ai maintenant. J’eusse chatouillé cette mignarde au lieu où elle se démangeait ; et possible en eût-elle été bien aise, vu qu’il est croyable qu’en ce temps-là, craignant l’enflure, elle flattait encore ses désirs avec quelque chose qui n’avait que la forme de ce qu’elle souhaitait.

Un jour, j’allai chez elle, comme elle était entretenue d’un jeune avocat, qui me demanda, sur ce quelque propos, si un ancien n’avait pas dit que la pire des bêtes farouches est le médisant et des domestiques le flatteur. Je lui répondis qu’oui, et que je l’avais lu dans Plutarque : mais il fallait corriger l’apophthegme, et dire que la pire des bêtes domestiques est le pédant. Ayant loué mon intention, il me dit que j’avais une raison très juste, et qu’il avait été exposé aussi bien que moi à la fureur de ces animaux.

Puis il voulut savoir de quelle humeur était Hortensius : Apelle ne dépeignit cettui-là, de sorte que je fis rire Frémonde à bon escient. Quand j’eus raconté tout ce que je savais, elle dit au jeune avocat le discours que