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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/212

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sur les doigts qu’il lui serait force de se rendre. Maintenant vous avez fait de si fortes, visibles, puissantes impressions sur mon âme, que jamais aucun imprimeur n’a mieux imprimé feuille que vous l’avez imprimée d’un caractère indélébile ; et ma volonté, y recevant l’idole de vos monstrueuses beautés, y fait grandement les honneurs de la maison : vous aurez donc toujours, à cette cause, l’image de mes affections au-devant de vos yeux, et mettez votre nez dedans, afin de voir comme elles sont innumérables. Arrachez les vôtres de votre cœur pour me réciproquer, s’il vous plaît, et n’affligez plus mon repos, comme vous avez fait par ci-devant ! »

Cette belle harangue finie, Frémonde lui dit, en paroles nettes et naïves, qu’elle ne croyait pas avoir puissance de captiver un si bel esprit que le sien, mais qu’elle se figurait qu’il voulait feindre de la passion pour avoir sujet d’exercer son éloquence.

— Ha ! bel astre mignon, s’écria-t-il, vous ne connaissez pas que déjà vous êtes haut montée dessus l’horizon de l’accompli, et que la perfection de vos miracles et le miracle de vos perfections, d’un effort faiblement fort, blessent mon âme jusques au sang. Ha ! demoiselle autant belle que cruelle, et autant cruelle que belle, vous ressemblez bien à ce traître empereur Néron, qui prenait plaisir à voir brûler la ville de Rome ; car vous regardez avec contentement, du haut de l’échauguette de vos mérites, brûler non seulement les faubourgs, mais encore la ville de mon cœur, avec toutes les églises dont je vous ai fait la dédicace. Ne savez-vous pas, mademoiselle, qu’un ancien disait cette mignarde sentence :