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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/217

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cha tant, qu’elle y trouva un livre pareil au sien, où elle montra à Hortensius les mêmes vers qu’il avait écrits ; et pourtant il ne se rendit pas, au contraire, il assura toujours qu’il en était l’auteur, et dit, par vanité, que, son esprit était semblable à celui de ce poète, il s’était rencontré en de mêmes pensées et en de mêmes pointes que lui.

— Ne savez-vous pas, continuait-il, que l’on ne saurait rien dire qui n’ait été déjà dit ? et, si je trouve ici de la différence, car j’ai mis Frémonde et il a mis un autre nom, j’ai mis en un endroit « charmes » et lui » attraits » ; au commencement de ma troisième stance, vous trouvez « je ne veux pas », et au même lieu de la sienne il y a « je ne veux point ».

Ainsi Hortensius tâchait de cacher son larcin, plus grand que celui que j’avais fait de sa bouteille ; mais il n’était non plus couvert que ne le serait un homme nu qui n’aurait qu’un rets dessus soi. Si l’on n’osa pas, à cette heure-là, se moquer ouvertement de lui, l’on le fit après en beaucoup de bonnes compagnies ; mais, quand j’y songe, la bourgeoise, ayant vu sa première stance, n’avait qu’à se retirer sans voir les autres, et, lorsqu’il eût achevé, si elle l’eût vue écrite, l’on eût indubitablement cru qu’elle était une grande sorcière, pensant qu’elle eût deviné ce que l’on eût pensé qu’Hortensius fût venu à l’heure même de composer.

Cette invention ne venant pas à son esprit, elle se servit de celle que je vous ai dite, qui vaut bien autant ; et notre pédant, afin de faire oublier ceci, commença incontinent de mettre tout par écuelles, chargeant la table