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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/218

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d’une honnête collation : les confitures sèches et liquides n’y manquèrent non plus que l’eau à la rivière ; mais il y avait une bouteille d’hypocras qui manquait, et que l’on ne pouvait trouver ; il se fallait contenter de celle de vin muscat ; toutefois Hortensius ne fit point paraître que le larcin que l’on lui avait fait le mît en colère, à cause qu’il craignait, pensez, que sa maîtresse ne le trouvât de mauvais naturel. Moi, bien aise, je pris la hardiesse de venir jusques au lieu où était Frémonde, qui me fit autant de bien qu’il lui fut possible, me donnant ce qui lui restait après avoir rempli son ventre et ses pochettes.

Hortensius avait coutume, quand il festoyait quelqu’un chez lui, de manger plus que tous ceux qui étaient à sa table, afin que tout au moins la plupart de la dépense se tournât à son profit. Il avait donc déjà bien fait son office à nettoyer les plats, et encore mieux à vider les bouteilles, tellement qu’il était entré en une humeur la plus gaillarde du monde ; à tous propos, il contait quelque petite histoire d’amour ; mais, parce qu’il avait un vice en liant ses périodes que plusieurs autres commettent, comme il y en a qui disent toujours : « Enfin », la compagne de celle qui lui avait fait un affront pour sa poésie le remarqua incontinent, et, à la première fois qu’il dit : « Pour le faire court », car c’étaient les mots qu’il répétait, elle lui répondit :

— Si vous nous voulez plaire, il ne faut pas dire si souvent : « Pour vous le faire court », parce que tout résolument nous le voulons long.

Cette privauté accrut son allégresse, et lui fit boire