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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/220

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per à tout ce qu’il y avait de personnes dedans sa chambre, vu qu’ils y demeuraient encore beaucoup de temps : néanmoins il n’en avait point de fâcherie, d’autant qu’il lui semblait que c’étaient gens d’une si bonne humeur, qu’il ne pouvait faire moins que d’acheter leur compagnie.

Les viandes étant venues, chacun se mit à table pour le souper, et n’y eut que les dames qui avaient assisté à la collation qui ne mangèrent point. Quant à Hortensius, il ne laissa pas enrouiller ses dents. Ô ! qu’il lui faisait bon voir ronger artificieusement une cuisse de poulet, en tournant la tête du côté de Frémonde, et retournant les yeux sens dessus-dessous, pour lui jeter des regards amoureux ! Mais c’était une chose bien plus belle à voir comme j’étais derrière la même Frémonde, pour avoir d’elle des morceaux qui me plaisaient bien plus que ma portion ordinaire.

Le souper fini, l’on fit jouer au vielleux toutes sortes de danses, et les jeunes hommes qui étaient là montrèrent la disposition de leurs corps au son d’un agréable instrument. Enfin, étant lassés de cet exercice-là, ils mirent en avant quelques petits jeux, où les dames prirent assez de plaisir. En après ils firent tant de folies et si différentes, qu’il m’est impossible de vous les réciter : je vous dirai seulement qu’en vérité ils jouèrent fort bien à remue-ménage, car il n’y eut livre dans l’étude qu’ils ne jetassent par terre en bouffonnant ; et même ils ne pardonnèrent point au linge sale, qui était sur le plancher en un coin, selon la propreté des collèges. Chacun en prit sa pièce, et la mettant tout en toupillon, la darda en la tête de Hortensius, qui demandait si l’on