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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/223

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taient point sur un même ton et ne se suivaient point, et si notre maître touchait souvent les cordes qui n’en pouvaient mais, et allait presque à tous les coups sur une touche au lieu d’aller sur une autre, prenant le C pour le B, et le D pour le C. Se mettant au pied de la muraille, il écouta attentivement et ouït Hortensius qui criait tant qu’il pouvait : « Et ! là, entrez donc, monsieur le principal, c’est à vous à faire ; faites l’introït de votre ballet. »

Le principal croyait qu’il parlât à lui, et qu’il l’eût vu par sa fenêtre : voilà pourquoi il monta jusques en haut, tant pour savoir ce qu’il lui voulait dire que pour apprendre s’il faisait quelque noce chez lui. Il était en l’allée de la chambre, lorsque Hortensius dit encore ceci :

Festina, principal, je suis las d’attendre ; je m’en vais faire un petit escampativoswkt, et danser ici moi-même, si tu ne viens tout à cette heure… Hô ! bonhomme, continua-t-il en frappant sur les doigts du vielleux avec l’archet de sa viole, sonnez-moi le branle que les Lacédémoniens dansaient à leurs sacrifices, ou la sarabande que jouaient ces Curettes, ces Corybantes emportant Jupiter hors du Louvre de Saturne, de peur que ce grand goulu n’ouït crier ce petit enfant et ne le vînt dévorer comme les autres.

Le vielleux qui n’entendait non plus son langage que s’il eût parlé margajatwkt, continuait toujours le premier air de son ballet ; de quoi Hortensius, en colère, le frappa plus ferme qu’auparavant, ce qui fit crier le vielleux en haute gamme. Le principal s’était arrêté près de la porte pour écouter tout ceci ; mais sa curiosité le fit alors entrer dedans et demander à notre maître :