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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/228

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main, dès le matin, il fut visité de tous les pédants du collège, qui venaient voir s’il était rentré en son bon sens, d’où le principal leur avait assuré qu’il était sorti. La nuit, il avait cuvé son vin ; tellement qu’ils ne le trouvèrent point en une autre humeur que celle où il voulait être. Néanmoins ils ne laissèrent pas de le gausser sur la musique. L’après-dînée il me donna charge d’aller chez Frémonde, lui dire qu’il la suppliait de lui faire renvoyer sa soutane. Frémonde se résolut de lui écrire une lettre, où elle lui manda que son affection, qu’elle avait reconnue, lui était agréable, mais que sa condition lui déplaisait, parce qu’encore que son père fût avocat, si est-ce qu’il était très noble de race, et qu’elle ne voulait point épouser d’homme qui au moins ne fût noble par sa vertu, et ne fît profession des armes ; que la soutane ne lui serait donc point rendue, à cause qu’au lieu il fallait qu’il portât désormais une épée, s’il voulait obtenir d’elle ce qu’il avait tant témoigné de désirer.

Ayant lu cette épître qui était comme un arrêt définitif, il y répondit par une autre : Que son dessein avait toujours été de se faire avocat, croyant que Frémonde aurait agréable un homme de la condition de son père ; qu’elle faisait mal de mépriser les hommes de lettres, qui sans doute doivent être plutôt estimés nobles que les hommes d’armes ; que toutefois, puisque c’était sa volonté, il prendrait l’épée, et que la profession qu’il avait toujours suivie ne dérogeait point à la noblesse de ses ancêtres dont il lui donnerait des preuves. Tout ceci était entremêlé de sentences, de proverbes, d’exemples et d’autorités, avec une confusion plus que barbare qui