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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/229

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fut si malaisée à démêler, qu’il fallut que l’avocat et quatre de ses amis bien lettrés s’y employassent une après-dînée durant ; encore ne tirèrent-ils leurs explications que par conjectures.

Hortensius aussi perdu d’amour qu’il avait jamais été (car pour dire vrai, la cause de sa passion le méritait), se délibéra d’accomplir ce qu’il avait promis ; et, sachant que, si tout d’un coup il armait son côté d’une épée, cela semblerait étrange à ceux qui le connaissaient, il voulut accoutumer chacun petit à petit à la lui voir. Pour cet effet, il prit un jour la botte, et, se promenant par la ville, dit à tous ses amis qu’il rencontra qu’il partirait le lendemain pour aller en Normandie, qui était son pays ; dans le collège même il fit courir ce bruit-là. Toutefois il ne partit que quatre jours après, il laissa un sous-maître chez lui pour avoir soin de nous en son absence.

Étant de retour, il se logea autre part qu’au collège, et ne quitta point son épée ni ses bottes : il fit rogner son long manteau et métamorphoser sa soutane en pourpoint découpé sur la chemise ; il portait toujours un collet à dentelle et n’avait quasi plus rien de pédantesque que les discours.

Ayant vu Frémonde en cet équipage, elle lui témoigna qu’il lui plaisait infiniment, mais qu’elle ne serait pas entièrement contente s’il ne lui montrait les preuves de l’ancienneté de sa noblesse, qu’il s’était vanté d’avoir. Réduit à cette extrémité, il chercha diligemment les moyens de soutenir une chose si mensongère ; et, ayant appris qu’un bon vieillard de son village était à Paris,