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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/230

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il l’alla trouver, et le pria de venir témoigner qu’il avait connu son père, et qu’il l’avait toujours vu tenir dans le pays pour gentilhomme. Le vieillard, qui était fort homme de bien, dit qu’étant si près, comme il était, d’aller rendre compte à Dieu de ses actions, il ne pouvait se résoudre à proférer un mensonge, pour toute la récompense qu’il lui promettait ; de laquelle il ne se trouvait guère désireux, n’ayant plus quasi à faire des biens de ce monde. Hortensius lui répliqua là-dessus que, sur toutes les demandes que l’on pouvait lui faire, il lui dresserait des réponses si subtiles, qu’encore qu’elles ne fussent rien que de la vérité, elles ne lairraientwkt pas de beaucoup servir à prouver ce qu’il fallait. Le villageois lui dit que, pourvu qu’il fît cela, il avait rencontré un homme dont il retirerait toute sorte de plaisir.

— Or bien, dit Hortensius, mon père était aussi gentilhomme que toi, et, quand tu affirmeras qu’il était noble tu ne mentiras point ; car tu n’as point le courage vilain, et il ne l’avait point non plus. Je m’en vais te dire comment : si l’on vous eût donné à tous deux cent mille livres de rente, vous ne vous fussiez pas adonnés à des exercices mécaniques où la pauvreté attachait vos esprits ; vous eussiez vécu sans rien faire, et vivre sans rien faire, c’est être noble. La volonté que vous aviez doit être réputée pour le fait ; et, par ainsi, vous ne commettez pas le quart d’un avorton de péché véniel, en parlant de ce premier point. Si l’on vous entretient du second, qui est si mon père a été à la guerre servir le roi, vous pourrez aussi assurer qu’il y a été, car véritablement je me souviens bien que les soirs, auprès du feu,