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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/23

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III

jusques au fond. Quoique c’en soit, ces rêveries-là contiennent des choses que jamais personne n’a eu la hardiesse de dire.

Mais, mon Dieu ! quand j’y pense, à quoi me suis-je laissé emporter de mettre en lumière cet ouvrage ? Y-a-t-il au monde des esprits assez sains pour en juger comme il faut ? Il y a des gens qui ne s’amusent qu’à reprendre des choses dont ils ne sont pas capables de remarquer la grâce, lesquels tâcheront d’y trouver des défauts. Quand je serais si malheureux que d’y en avoir laissé de véritables contre les lois de la façon d’écrire, je ne m’en estimerais pas moins ; car je n’ai pas l’âme si basse que de mettre tous mes efforts à un art à quoi l’on ne saurait s’occuper sans s’asservir.

N’ayant fait que témoigner la haine que je porte aux vicieux, et avec des discours bien négligents, je pense encore que ce serait assez. Mais quoi que puisse dire l’envie, je me donne bien la licence d’estimer que j’ai représenté aussi naïvement qu’il se pouvait faire les humeurs, les actions et les propos ordinaires de toutes les personnes que j’ai mises sur les rangs ; que mes aventures ne sont pas moins agréables que celle que l’on prise le plus, et que mon discours, presque tendu partout, fournit autant de pointes et de gentillesses que de périodes aux lieux où il ne s’arrête pas à un simple récit. Ceux qui auront bonne vue y remarqueront que le jugement y abonde et que je n’ai rien dit sans raison. Sur le moindre succès, je veux que mes considérations soient prégnantes.

Je suis contraint de faire cette confession, qui ne doit point sembler présomptueuse. Il y a plusieurs qui n’entendront pas seulement ce qu’elle veut dire, ayant toujours cru que pour composer un livre parfait il n’y a qu’à entasser paroles sur paroles,