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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/234

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— Vous en avez fait une de vingt mille, reprit le cuistre.

— Comment ! dit Hortensius en se levant, ne vois-tu pas que tu outrepasses ta charge ? ne sais-tu pas, lui dit-il en l’oreille, que ce n’est pas une possession qu’une dette, et ne t’ai-je pas appris qu’il ne faut multiplier que les possessions ?

À ces paroles il joignit quatre ou cinq coups de poing, qui eussent été suivis d’autres, si l’on n’eût retenu sa colère.

Quand il se fut rassis, Frémonde lui dit : « Je vous trouve bien indigent, au lieu que vous vous faisiez bien riche ; car, si vous avez dix-huit mille francs, vous en devez vingt mille : vous ne désirez vous marier que pour avoir le bien d’une femme qui vous acquitte, je le vois bien. »

Pour dire la vérité, il avait bien vaillant trois mille écus, qu’il avait gagnés en rognant notre portion, en faisant l’office de régent dans quelques classes, et par quelques petits trafics particuliers ; néanmoins il ne le put jamais faire croire à Frémonde ni à sa compagnie, qui demeuraient opiniâtres à garder la croyance que le cuistre leur avait donnée. Toutefois Frémonde lui dit que, s’il était de si bonne maison comme il avait dit, par aventure ne regarderait-on pas tant sa pauvreté.

— Ah ! mademoiselle, j’ai ici mon témoin, ce dit-il. Et alors, faisant venir le villageois, il reprit ainsi :

— Voici un homme de bien à qui je m’en rapporte.

— Hé bien, mon ami, dit le cousin de Frémonde au villageois, il est question de savoir si le père de monsieur Hortensius était noble ; que m’en direz-vous ?