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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/235

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— Je sais fort bien qu’il l’était, répond le villageois.

— Et son grand-père ? reprit l’avocat.

— Il l’était tout de même, dit le villageois.

— En avez-vous des lettres, monsieur ? dit l’avocat en s’adressant à Hortensius.

— Non, répondit-il, car lorsque notre race a commencé de s’élever en vertus, il ne fallait point de patentes du roi ; les actions généreuses de mes aïeux, qui se montraient à tout le monde sans discontinuation, faisaient même confesser leur noblesse à l’envie ; et si, quand ils auraient eu en ce temps-là des lettres, elles seraient maintenant pourries ou mangées des rats.

— Je vous crois, dit l’avocat. Mais vous, bonhomme, reprit-il en s’adressant au villageois, dites-moi si le père de monsieur a été à la guerre en son vivant ?

— Oui, répondit-il, je vous en assure.

— Étant retiré en sa maison, ajouta l’avocat, portait-il toujours l’épée comme marque de sa condition ?

Le villageois se trouva pris en cet endroit-ci ; car Hortensius ne lui avait pas enseigné comment il pourrait répondre à un tel point sans commettre de mensonge ; enfin il songea qu’il avait toujours vu porter un grand couteau au bon défunt à sa ceinture, et dit qu’il ne l’avait jamais vu sans quelque ferrement.

— Mais quel ferrement ? dit l’avocat. Possible était-ce une bêche.

— Non, monsieur, c’était un glaive, reprit le villageois, ne voulant point user de ce nom de couteau ni d’épée.