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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/237

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parable, se contenta de dire que son père n’était pas moins à priser pour avoir gardé un troupeau de moutons ; et qu’étant sorti des tumultes de la guerre il avait cru qu’il ne pouvait pas mieux savourer les douceurs de la paix en un autre office. Mais Frémonde, lui faisant une moue de deux pouces et demi, lui assura qu’il pouvait chercher parti ailleurs, et qu’elle ne voulait point un homme dont le père avait été d’une qualité si basse, et qu’elle en aurait de la honte, parce que possible Hortensius avait-il semblablement gardé un régiment de pourceaux en sa jeunesse : qu’en parlant à elle il croirait encore parler à ses sujets : qu’il la voudrait traiter tout de même et que tout le monde la montrant du doigt, dirait : Voilà mademoiselle la porchère.

Ce dédain mit tellement en fougue Hortensius, que ce fut un salutaire antidote contre le venin de son amour, qu’il changea incontinent en haine ; et, sans dire adieu à personne, sortit de la chambre, en refermant la porte après lui, de peur que l’on ne le reconduisît, puis s’en vint droit au collège conter son infortune à son sous-maître. Tandis que le villageois et le cuistre, qui étaient demeurés furent interrogés en toutes façons, et l’on apprit que ce glorieux pédant était venu à Paris presque tout nu, et avait été contraint de gueuser jusqu’à tant qu’il eût trouvé une condition. Le cuistre pensa retourner devers lui ; mais il lui donna son congé dès qu’il l’eût vu, indigné de la sottise qu’il avait faite, et laissa sans récompense le paysan, qui avait gâté toute son affaire.

Au plus fort de son courroux, il écrivit une lettre à Frémonde, où il mit une infinité d’injures de collèges