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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/238

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contre elle, il l’appelle Médée, Mégère, Tisiphone. Il lui dit que, puisqu’elle ne voulait pas être rose, et se laisser cueillir par un nourrisson des Muses qui avait avalé plus d’un seau de l’onde Aganippide, Phœbus la métamorphoserait en chardon, afin qu’elle servît de pâture aux ânes ; qu’il voyait bien, par l’exemple de Jupiter, qui s’est transformé en cygne, en satyre et en taureau, pour jouir de ses maîtresses, qu’il fallait être du tout bête pour obtenir quelque chose des femmes, et principalement d’elle, qu’il estimait la plus femme du monde, c’est-à-dire qui tenait le plus d’humeur volage et brutale qui appartient à ce sexe. Après, il en venait aux reproches, et, par une vilenie la plus sale du monde, nombrait la dépense qu’il avait faite à la traiter avec sa compagnie dedans sa maison ; l’assurait qu’il ne s’était mis en frais que parce qu’il espérait de l’épouser, et lui disait pour conclusion que, vu qu’il était frustré de son attente, il voulait qu’elle et tous ceux qu’il avait traités lui rendissent un festin chacun à leur tour.

Je fus encore le Mercure de cette missive ; mais je ne portais pas la caducée, qui est un signe de paix, car j’allais dénoncer la guerre. Frémonde voulut répondre doucement à ses outrages, afin d’avoir toujours sa fréquentation et conserver le plaisir extrême qu’elle recevait. Elle lui manda qu’elle ne prenait point garde aux injures dont il la diffamait, d’autant qu’elle connaissait qu’il était préoccupé de passion ; qu’elle avait toujours fait état de lui, à cause de son savoir, mais qu’elle ne pouvait l’épouser, parce qu’il n’était pas de la qualité requise selon les coutumes du siècle, qu’elle était forcée