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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/239

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de suivre ; que néanmoins elle lui porterait toujours une affection honnête, en récompense de la sienne ; et que, pour son banquet, personne ne lui en voulait être tenu, son cousin commencerait à le traiter, et tous les autres suivraient.

Dès qu’Hortensius eut lu cette réponse, il la jeta dans le feu, disant qu’il n’avait que faire des affections ni des festins de Frémonde ; et, devenu plus sage depuis, il jura qu’il ne caresserait jamais d’autres filles que les muses qui pourtant nous déçoivent ordinairement, comme étant de ce sexe trompeur.

Quelque message plein de feinte courtoisie que lui pût envoyer son ancienne maîtresse, il se voulut du tout priver de sa fréquentation, et cessant de porter l’épée, il revêtit sa soutane pour se tenir toujours dans son collège, où ses sottises étant publiées, il eut un peu de peine à supporter les brocards que l’on lui donna.

En ce temps-là, je passais le temps avec le plus de plaisir et le moins de souci que je pouvais parmi les compagnies des écoliers les plus généreux et les plus débauchés. Presque tous étaient adonnés à un vice dont de tout temps notre collège avait eu le renom d’être infecté. C’était que, pressés par leur jeune ardeur, ils avaient appris à se donner eux-mêmes quelques contentements sensuels à faute d’être accouplés avec une personne d’autre sexe. Quant à moi, je n’étais guère amoureux de ce plaisir-là et faisais conscience de répandre inutilement une semence très bonne, au lieu de la mettre en un lieu où elle profitât ; je ne me voulais point rendre ennemi des dames, qui haïssent mortellement ceux qui les privent