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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/240

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ainsi de ce qui leur est dû. Mais quand j’y songe, si ces garçons-là péchaient ils en étaient assez grièvement punis car ils avaient beau faire, jamais ils n’assouvissaient leur désir qui s’accroissait de plus en plus et leur donnait des gênes secrètes. Un tel martyre me causa de la pitié et je maudis les lois du monde qui gardent que les remèdes n’y soient donnés et que tant de filles, qui d’ailleurs soupirent en cachette après les embrassements, ne soient mises avec ceux qui sont ainsi travaillés, afin qu’ils éteignent ensemble leur flamme par une eau, la plus douce de toutes, et que désormais ils s’abstiennent de pécher. Si nous eussions eu chacun une de ces mignardes en notre compagnie, nous eût bien plus servi que celle de tous nos livres.

Je parachevai tous les cours de mes études dans le même collège sans qu’il m’arrivât autre chose digne de vous réciter que ce que je vous ai dit : et, les vacations de l’année de ma philosophie venues, je fus mandé par mon père pour sortir tout à fait du collège et venir en Bretagne.

Puisque vous voulez tout savoir, il faut que je vous raconte de quelle sorte je perdis sur le chemin mon pucelage, qu’à mon grand regret j’avais gardé jusque-là, ne trouvant point d’occasion de le donner à personne. J’étais arrivé à une hôtellerie où il y avait une fort gentille servante, qui avait le renom de prêter logis à tous les venants d’une autre façon que sa maîtresse ; et véritablement ses yeux étaient des bouchons capables d’attirer chez elle tous les voyageurs. Je la rencontrai sur la montée, tenant des verres à la main, et la baisai en