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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/242

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à se remuer plus vite qu’une anguille que l’on tiendrait par la tête. Je crois qu’au commencement elle ne savait si c’était un songe d’être ainsi caressée par un homme ; mais quoi que ce fût, elle en était toute ravie en extase et délâcha en son transport quatre ou cinq pets tout d’une tire, après que j’eus retiré mon épingle du jeu. Elle me dit ensuite, d’un soupir qui sentait mieux la truie que la femme :

— Ah ! mon doux ami, qui que vous soyez, je vous remercie, il y a plus de douze ans que je n’ai joui d’une telle douceur que celle-ci.

Sa voix rude et fort différente de celle de ma petite coquine me fit émerveiller infiniment ; et comme j’eus appris d’elle qui elle était, j’eus une si grande fâcherie que je ne vous la puis exprimer. Auparavant, la mauvaise odeur qui sortait de son corps m’avait semblé douce et sa chair raboteuse m’avait semblée polie : parce que l’imagination que j’avais que ce fût la jeune servante en qui j’avais remarqué toutes sortes de perfections, me forçait de prendre ces mauvaises qualités pour de très bonnes. Mais à cette heure-là, les choses me paraissaient encore plus horribles qu’elles n’étaient. De manière qu’ayant appris de cette vieille que sa compagne était allée coucher avec le marchand, je m’en retournai dans mon lit, résolu de n’aller plus jamais à la proie sans lumière.

Dès que l’aube fut levée, je voulus partir pour m’éloigner du lieu déplaisant où j’avais été trompé ; il n’en faut point mentir : je pris par aventure autant de contentement avec la vieille que j’eusse fait avec la jeune. Je l’ai depuis, éprouvé assez de fois.