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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/243

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Quand je fus en mon pays, je me vis bien à la fin de mes aises, car l’on ne me faisait autre chose que me demander à quoi je voulais employer ma vie, et l’on me disait que l’on ne m’avait fait aller aux humanités qu’à dessein de m’envoyer après aux lois, et tâcher de m’avoir un office au parlement.

Cela me fut de si mauvais goût, qu’il m’est impossible de vous le représenter. Ce fut bien alors qu’en moi-même je déclamai contre la malice du siècle, où les lois naturelles sont corrompues, et où les esprits les plus généreux sont contraints de prendre de sottes charges pour troubler leur repos, au lieu de vivre parmi la tranquillité, qui n’est pas refusée aux brutes. De jour en jour je différais d’aller apprendre cette pernicieuse science que j’ai toujours haïe plus que la peste, comme la cause de la plupart de nos maux ; et, comme j’étais quasi sur le point de partir, mon père devint malade à l’extrémité. En vain les médecins d’alentour firent leurs efforts de le guérir, il fallut qu’il mourût, et qu’il laissât sa femme et ses enfants extrêmement affligés de faire une telle perte.

Après son trépas, ma mère, qui m’accordait tout ce que je voulais, ne conserva rien du dessein qu’il avait de me forcer à prendre la robe ; et, parce que j’étais comme étranger en Bretagne, étant accoutumé à l’air de Paris, je la priai de me permettre que je m’y retournasse. Elle s’enquit qu’est-ce que je désirais y faire. Je lui dis que j’y passerais quelque temps à apprendre des honnêtes exercices, et que j’essayerais de me mettre au service de quelque prince. Mes beaux-frères donnèrent