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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/244

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leurs avis là-dessus, et me représentèrent que c’était à la cour que régnait le plus impérieusement la fortune, et y montrait le plus des traits de son inconstance ; bref, que, lorsque je croirais y être au suprême degré de ses faveurs, elle me rejetterait au plus bas. Tout cela ne m’étonna point, je n’avais rien à la tête que les grandeurs du monde.

Enfin, l’on me permit donc d’exécuter mon intention ; je m’en revins à Paris, où je me logeai encore à l’Université, que je ne pouvais oublier, chez un certain homme qui logeait en chambre garnie et prenait des pensionnaires. Je fis marché avec un joueur de luth, un tireur d’armes et un danseur, pour m’apprendre leur art, de sorte qu’une heure était pour une occupation, et celle d’après pour une autre.

J’employais ce que je pouvais de temps à lire indifféremment toute sorte de livres, où j’appris plus en trois mois que je n’avais fait en sept ans au collège, à ouïr les grimauderieswkt pédantesques qui m’avaient de telle manière perdu le jugement, que je croyais que toutes les fables des poètes qu’ils racontaient fussent des choses véritables, et m’imaginais qu’il y eût des sylvains et des dryades aux forêts, des naïades aux fontaines, des néréïdes dans la mer. Même je croyais que tout ce que l’on disait des transformations fût véritable et ne voyais jamais un rossignol que je ne crusse que c’était Philomèle. Je n’étais pas tout seul abusé ; car je sais de bonne part que quelques-uns des maîtres avaient une opinion semblable.

Comme ces vieilles erreurs furent chassées de mon