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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/245

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entendement, je le remplis d’une meilleure doctrine, et m’étudiai à savoir la raison naturelle de toutes choses, et avoir de bons sentiments en toutes occasions, sans m’arrêter aux opinions vulgaires.

Au milieu de mes entretiens divers, je passai plus d’un an en la plus grande solitude du monde, et, sans sortir que fort peu, encore n’allai-je me promener que sur les fossés, ou bien auprès des Chartreux ; j’étais seulement visité de deux ou trois gentilshommes dont j’avais acquis la connaissance.

Il me souvient qu’une fois il y en vint un avec eux, de ce pays-ci, nommé Raymond, qui quelques jours après y retourna sans compagnie. Regardant dedans mon coffre après qu’il fut parti, j’y trouvai vide une petite boîte où j’avais mis pour le moins soixante écus ; je me souvins de l’avoir laissé tout seul dans ma chambre et ne soupçonnai personne du vol que lui. Quand je le vis, je lui dis ouvertement ce que j’en pensais, et nous vînmes à des paroles piquantes, suivies de menaces ; enfin, je lui demandai s’il voulait que notre différend se décidât le lendemain à l’épée hors de la ville. Mais il me répondit qu’il ne pouvait s’y trouver, parce qu’il fallait qu’il partît dès le grand matin, selon la promesse qu’il avait faite à quelques-uns de ses camarades avec lesquels il s’en allait voyager en Flandres ; et, de fait, le lendemain je ne le trouvai plus à Paris. Depuis je ne l’ai point vu, et ne sais ce qu’il a pu devenir.

Ô ! que j’eus un grand mal au cœur d’avoir perdu mon argent, dont j’espérais me faire habiller, après le deuil que j’allais quitter. Demander à ma mère qu’elle m’en