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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/248

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les écoliers lui baillaient, m’imaginant que pour moi, qui avais eu de la familiarité avec lui, je parlerais à lui plus facilement que les personnes qui le suivaient.

— Hé là, Tocarète, ce dis-je, où cours-tu si vitement ?

Alors celui qui recevait de l’argent dessus un bureau, ayant reconnu à qui je parlais, sortit de sa place, et, me frappant d’un coup de poing, me dit : « Impudent, je vous ferai mener là-bas ! Si je savais à quel procureur vous êtes, je vous ferais châtier, petit clergeon ! »

S’il n’y eût des gens alentour de lui qui avaient la mine de se porter contre moi, je me fusse revanché infailliblement ; mais tout ce que je pus faire fut de répondre à ses paroles, et de lui dire en ma colère, que je n’étais point clergeon de procureur, et que j’étais gentilhomme ; cela fit rire ce faquin à gorge déployée, en disant à ceux qui l’accompagnaient :

— Voyez, qu’il a bien la mine d’un gentilhomme, avec ses coudes percés et son manteau qui se moque de nous, en nous montrant les dents.

— Comment, infâme, vous prenez donc la noblesse à l’habit ? repartis-je.

Et en eusse dit davantage, si un honnête homme de moyen âge, qui tenait un sac de velours sous son bras, me conduisant par la main dans un galetas qui était proche, ne m’eût parlé ainsi :

— Tout beau, tout beau, il faut respecter le lieu où vous êtes, et les personnes à qui vous parlez ; c’est un greffier que vous injuriez !

— Qu’est-ce qu’un greffier ? ce dis-je. Un homme qui joue de la griffe, car il a joué tantôt extrêmement bien