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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/249

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de la sienne sur l’argent que l’on a étalé dessus son banc.

— Vous êtes trop scandaleux, me répondit-il ; vous avez même tantôt appelé par je ne sais quel nom un conseiller de céans.

— Quoi ! ce jeune homme qui a passé par ici, répliquai-je.

— Oui, dit-il.

— Hé ! vraiment, repris-je, j’eusse bien voulu parler à lui, car, la dernière fois que je le vis venir en classe, en un collège où j’étais, il me déroba mes plumes, mon canif et mon écritoire : j’en ai de certaines preuves ; j’ai envie de le lui reprocher.

Alors celui qui parlait à moi, et qui était un solliciteur, m’avertit que je m’en gardasse bien, vu la qualité du personnage.

— Comment ! vous dites donc qu’il est conseiller, lui répondis-je : hé ! certainement, il y a bien plus de sottise que de conseil dans sa tête.

— La Cour ne l’aurait pas reçu en cette dignité, répliqua le solliciteur, si elle ne l’avait trouvé capable de la tenir.

— Si est-ce que l’on l’a toujours estimé le plus grand âne de l’Université, ce dis-je ; et quelque office qu’il ait, je pense bien être davantage que lui.

— N’ayez pas cette vanité-là, dit le solliciteur.

— Ce n’est point une vanité, répondis-je, car je suis des plus nobles de la France, et lui n’est fils que d’un vil marchand.

— Sa charge l’ennoblit, répliqua le solliciteur.