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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/251

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qui les fît respecter, et trouver des femmes qui eussent de grands avantages, et que, leur âge les portant aux gentillesses de la cour, étant hors du palais, ils se licenciaient de prendre aucunes fois l’épée et l’habit de cavalier.

Me voyant en la misère où j’étais, j’eusse souhaité d’être de ce beau métier, dont mon père m’avait voulu faire, n’eût été que j’estimais que ce m’eût été un déshonneur d’être en la compagnie de personnes si viles.

Je sentis vivement, en ce temps-là, les poignantes épines de mon malheur ; car n’étant couvert que de mon pauvre habit, personne ne faisait estime de moi ; et je n’osais porter une épée en cet état, parce qu’au lieu de servir de témoignage de ma noblesse, elle m’eût fait prendre pour un fainéant vagabond par le plus sot peuple de toutes les villes de la terre. Cependant tous les jours je souffrais de mille indignités, je n’oserais dire patiemment, car je vous assure que, si la puissance eût répondu à ma volonté, j’eusse puni les stupides hommes qui m’offensaient.

Un matin j’entrai dans la cour du Louvre, pensant que c’était un lieu de respect où je recevrais du plaisir de beaucoup de diversités, et ne me verrais bafoué d’aucun à l’accoutumée. Comme je regardais ce pompeux édifice, en levant la tête d’un côté et d’autre, un page, qui connaissait à mon action que je n’avais pas appris de venir là, me prenant pour un badaud, donna une telle secousse à mon chapeau en le tenant par le bord, qu’il le fit tourner plus de huit fois à l’entour de ma tête ; je lui eusse bien montré à quelle personne il se jouait, n’eût été