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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/256

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vénients-là qu’auprès des personnes tout à fait mondaines, et qui ne s’attachent qu’aux plus petites apparences ; mais apprenez que ceux mêmes qui ont renoncé aux vaines pompes, par un étrange malheur, ne faisaient pas plus d’estime de moi. Je le reconnus évidemment étant à vêpres à une certaine religion. Un bon Père laissa entrer dans une chapelle dix ou douze faquins à manteaux de peluche, dont il n’avait aucune connaissance, et ne refusa pas même la porte à leurs valets, mais à moi qui les voulais suivre, il la ferma vitement au nez.

— Que je vous dise un mot, mon Père, lui criai-je par les barreaux.

Puis, quand il se fut rapproché, je continuai ainsi :

— Je ne suis pas venu ici pour vous admonester, aussi n’en suis-je pas capable ; néanmoins je prends la hardiesse de vous dire ce que je sais, qui est que votre église doit être l’image de la maison céleste de notre grand Dieu, et que vous devez y laisser prendre la meilleure place aux pauvres, ainsi qu’il est fait dedans cette heureuse demeure. Bien, bien, poursuivis-je en souriant, quand je désirerai entrer dedans vos chapelles pour y mieux entretenir ma dévotion qu’en ce lieu-ci, j’apporterai un manteau doublé de peluche, en dus-je louer un à la friperie.

Le religieux eut de la honte, à n’en point mentir, et, parce qu’il me quitta bientôt, il n’eût pas entendu tout mon discours si je n’eusse haussé ma voix sur la fin, mais cela se tourna à sa confusion : car plusieurs personnes d’alentour m’ouïrent aussi, et je connus, par leurs risées, qu’ils autorisaient mes paroles et se moquaient de celui