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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/257

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qui gardait si mal les règles de son ordre, ne chérissant pas la pauvreté : ce qu’il y avait à dire contre moi, c’est seulement que je n’étais pas un pauvre volontaire. Néanmoins le religieux avait commis un péché qu’il ne pouvait amender que par une très austère pénitence.

Considérez encore un malheur plus grand ; ceux qui savaient de quelle maison je suis sorti ne me traitaient pas plus respectueusement. De petits coquins, enfants de bourgeois, que j’avais connus au collège, et tenus bien souvent sous ma loi, en me rencontrant par la ville, ne faisaient pas semblant de m’avoir fréquenté autrefois ; et si, par une humilité très grande, je les saluais pour renouveler les connaissances anciennes, ils ne faisaient que porter la main auprès de leur chapeau ; encore croyaient-ils avoir fait une corvée, tant ils étaient présomptueux de se voir couverts de soie et d’avoir des valets mieux vêtus que je n’étais moi-même. J’en allai visiter quelques-uns qui me semblaient les plus accostables, et avec qui j’avais été le plus familier. Pour dire la vérité, ils me firent dans leur logis un assez bon accueil, y étant contraints par les règles de la courtoisie ; mais pourtant ils ne prirent pas la peine de venir chez moi récompenser mes visites par les leurs, s’imaginant que ce leur était s’abaisser par trop que d’aller trouver un homme si mal en point que moi, et qui leur faisait déshonneur, à leur opinion, étant en leur compagnie.

Si je me rencontrais par hasard avec quelques personnes qui discourussent sur quelque sujet où j’avais moyen de faire paraître des fruits de mes études, j’étais encore bien infortuné, car je n’osais ouvrir la bouche,