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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/26

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VI

courage pour cocuage, meffait pour mestier, gourdement pour grandement, commençoit pour contenoit, la vue pour le vent, pernicieux pour pécunieux, et une infinité d’autres mots qui corrompent tout mon sens. Davantage on ne voit rien autre chose que des articles oubliés et des noms mis au pluriel au lieu d’être au singulier, et des verbes au temps passé au lieu d’être au temps présent ou au futur. Ceux qui me connaissent savent bien qu’il est impossible que je pèche contre les lois de la grammaire. Quand l’on trouverait des petits cailloux parmi du pur froment, l’on serait bien sot de croire qu’ils seraient sortis des épis d’où provient le blé. Ceux-là feront paraître une même bêtise qui s’imagineront que les mauvais mots qui sont dans ce livre viennent de moi.

Il faut que je dise ici, comme une chose très à propos, qu’il est bien nécessaire de faire une préface à son ouvrage ; l’on avertit le monde de beaucoup de particularités qui importent à notre gloire. Néanmoins, il y a des hommes si peu curieux qu’ils ne les lisent jamais, ne sachant pas que c’est plutôt là que dans tout le reste du livre que l’auteur montre de quel esprit il est pourvu. Je demandais un jour à un sot de cette humeur pourquoi on ne les lisait point : il me répondit qu’il croyait qu’elles étaient toutes pareilles et qu’en en ayant lu une en sa vie, c’était assez ; il se figurait que le contenu se ressemblait ainsi que le titre. Que ceux qui auront mes livres entre leurs mains ne fassent pas ainsi s’ils me veulent obliger à les avoir en quelque estime.