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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/261

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et sur l’inclination que j’avais à suivre tout ce qui est vertueux. Ô ! que j’étais aveugle de ne voir pas les infinis obstacles qui se pouvaient opposer à ma bonne fortune, quand j’eusse eu une valeur plus admirable que celle des anciens chevaliers !

Si je n’eusse jeté les fougues de ma colère sur le papier, je fusse tombé dans un désespoir le plus violent du monde. Voyez, de grâce, quel enchantement ! N’est-il pas étrange, et ne me guérissait-il pas contre la règle naturelle ? Après avoir décrit mon mal, je ne le sentais plus si violent, encore que j’en aperçusse les plus vifs accès naïvement représentés. Quel homme sans raison me niera à cette heure-ci qu’Apollon a été estimé dieu de la médecine autant pour le remède que donnent ses vers aux plaies les plus dangereuses que pour celui que les herbes y donnent, qu’il fait croître quand il prend la qualité de soleil pour rendre la terre fertile ?

Jusques-là Francion avait parlé, lorsque son courtois hôte, lui serrant la main, lui dit : « C’est assez pour ce coup, il s’en va tard. Je ferais conscience d’endurer que vous parlassiez tant. »

Et, l’ayant fait arrêter par ces paroles, avant que de partir d’auprès de lui, il le voulut entretenir encore un peu, et lui dit que vraiment il avait eu tort auparavant de l’avoir voulu frustrer d’entendre les aventures qu’il avait eues avec les pédants. Puis il poursuivit ainsi :

— Mais, monsieur, vous endurâtes bien des tourments pour la perte de l’argent que vous aviez. Il me semble que vous m’avez dit que ce fut un nommé Raymond qui vous le prit ; vous lui en vouliez du mal ?