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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/267

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la pièce qui me plaisait le plus de toutes les miennes. Elle fut montrée à ces personnages-là, qui y trouvèrent quasi autant de fautes que de paroles. Mon libraire me fit ce plaisir que de me les coter toutes ; de sorte que j’y pris garde, et, ayant vu qu’ils avaient bonne raison, je me délibérai de ne plus tomber en pareil endroit.

Véritablement leurs lois ne tendaient qu’à rendre la poésie plus douce, plus coulante et plus remplie de jugement ; qui est-ce qui refuserait de la voir en cette perfection ? On me dira qu’il y a beaucoup de peines et de gênes à faire des vers suivant des règles ; mais, si l’on ne les observait point, chacun s’en pourrait mêler, et l’art n’aurait plus d’excellence.

Quelque temps après, j’eus une connaissance parfaite de ces choses, car je me trouvais souvent dans la boutique du libraire, où j’accostais tous les poètes : dès que je me fus frotté à leur manteau, je sus incontinent de quelle sorte il fallait composer ; ils ne me reprirent jamais que deux ou trois fautes, et, en considérant celles-là, je m’abstins d’autres très lourdes. Je ne pense pas leur être redevable de beaucoup ; car certainement le peu qu’ils m’en dirent n’était pas capable d’ouvrir le jugement d’une personne.

Il faut que je vous dise quelles gens c’étaient : il y en avait deux qui sortaient du collège, après y avoir été pédants ; d’autres venaient de je ne sais où, vêtus comme des cuistres, et, quelque temps après, trouvaient moyen de s’habiller en gentilshommes ; mais ils retournaient incontinent à leur premier état, soit que leurs beaux vêtements eussent été empruntés ou qu’ils les eussent