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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/269

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pour beaucoup de choses de néant, où ils s’attachaient et laissaient en arrière celles d’importance. Leurs contentions[1] étaient s’il fallait dire : Il eût été mieux, ou il eût mieux été ; de savants hommes, ou des hommes savants, il fallait mettre en rime main avec chemin, saint Cosme avec royaume, traits avec près. Et cependant ceux qui soutenaient que c’était autant de fautes en faisaient de bien plus intolérables ; car ils faisaient rimer périssable avec sable, étoffer avec enfer. Toutes leurs opinions étaient puisées de la boutique de quelque vieil rêveur qu’ils suivaient en tout et partout, même se plaisaient, en discourant, à user de quelques façons de parler extrêmement sottes, qui lui étaient communes. Ils vinrent à dire beaucoup de mots anciens, qui leur semblaient fort bons et très utiles en notre langue, et dont ils n’osaient pourtant se servir, parce qu’ils disaient qu’un d’entre eux, qui était leur coryphée, en avait défendu l’usage. Tout de même en disaient-ils beaucoup de choses très louables, vous renvoyant encore à ce maître ignare dont ils prenaient aussi les œuvres à garant lorsqu’ils voulaient autoriser quelqu’une de leurs fantaisies. Enfin, il y en eut un plus hardi que tous, qui conclut qu’il fallait mettre en règne, tous ensemble, les mots anciens que l’on renouvellerait ou d’autres que l’on inventerait, selon que l’on connaîtrait qu’ils seraient nécessaires ; et puis, qu’il fallait aussi retrancher de notre orthographe les lettres superflues et en mettre en quelques lieux de certaines mieux convenantes que celles dont l’on se servait.

— Car, disait-il, sur ce point, il est certain que l’on a parlé avant que de savoir écrire, et que, par conséquent, l’on

  1. ndws : débat, dispute, cf. Huguet, op. cit., p. 95.