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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/271

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velles, que vous avez dit tantôt qu’il fallait introduire, je vous laisse à penser si, semblant du tout extraordinaire au peuple, l’on ne se moquerait pas de nous. Néanmoins je consens qu’aux premiers États vous soyez délégué de la part des auteurs français, (dont il faut faire une chambre nouvelle) pour représenter aux autres États l’utilité de vos opinions et persuader au roi qu’il les doit faire embrasser par tous ses sujets.

Après que j’eus ainsi parlé, et donné matière de rire à chacun, il y eut le plus galant d’entre eux qui conclut que tout ce que l’on avait dit ne servait de rien au repos de la vie ; et, nous faisant sortir d’entre les livres, nous conduisit, entre les pots et les verres, au meilleur cabaret de Paris, où il nous voulait traiter de l’argent qu’il avait. Pour vrai dire, il n’y a point de gens moins avaricieux que les poètes : ils ont tant d’envie d’aller au royaume des cieux où il est aussi difficile qu’un riche entre qu’un câble dans le pertuis d’une aiguille, qu’ils avalent leur bien tout d’un coup, comme une pilule, afin d’y aller facilement. Il ne faut pas s’enquérir comment il fut morféwkt, ni combien l’on dit de bons mots de gueule, parce que je jurai là encore par la mort du destin, ainsi qu’en la rue Saint-Jacques, l’on me demanda pourquoi je le faisais. C’était pour me moquer d’eux, qui ne composaient pas une stance où ils ne parlassent du destin ou du sort, pour accommoder leurs vers.

— Par la tête du sort, ce dis-je, vous êtes de grands ignorants qui ne savez guère votre métier ; ventre des Parques ! ne voyez-vous pas que je jure en poète ? Vous autres, qui croyez moins en Dieu que Diagoras ni que