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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/276

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affaire de son maître dont il avait connaissance, car son père était avocat. Le papier baillé, il esquiva vitement, et Diane n’en soupçonna rien ; car c’est la coutume des laquais de courir. D’autant qu’elle savait que son père ne reviendrait pas sitôt, elle eut la curiosité, tout comme j’avais espérance, d’ouvrir ce papier qui était trop bien plié pour être de pratique[1]. Ainsi que j’ai su depuis, ayant vu que tout s’adressait à elle, elle pensa que cela venait de la part du maître du laquais, qui venait quelquefois l’entretenir.

Sitôt qu’elle le vit, elle lui dit par une gentille ruse :

— Monsieur, vous avez un laquais qui n’exécute guère bien les messages que vous lui donnez ; je m’assure que vous lui aviez baillé tout ensemble deux papiers, l’un pour porter à votre maîtresse, et l’autre pour apporter à mon père. Celui qu’il fallait présenter à cette dame, il l’a apporté céans, j’ai peur qu’il ne lui ait été offrir en contre-échange celui dont vous désiriez que mon père eût la communication.

Ce jeune homme, ne sachant ce qu’elle voulait dire, crut qu’elle avait envie de lui donner quelque cassadewkt, et nia surtout d’avoir mis des lettres entre les mains de son laquais pour faire tenir à sa maîtresse. Diane lui ayant montré là-dessus ce qu’elle avait reçu, et lui ayant confié la façon avec laquelle son laquais le lui avait baillé, il jugea que cela venait de la part de quelqu’un qui était secrètement amoureux d’elle ; et, voyant qu’elle croyait fermement que tout venait de lui, parce qu’elle lui plaisait assez pour souhaiter sa bienveillance, il s’informa premièrement d’elle si la lettre et les vers lui étaient agréa-

  1. ndws : se dit des sacs et papiers qui sont dans l’étude d’un procureur, des minutes des notaires, cf. Huguet, op. cit., p. 306.