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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/277

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bles ; puis, ayant connu qu’elle n’y trouvait rien qui ne lui causât quelque espèce de contentement, il lui dit qu’il ne lui pouvait celer que c’était lui qui les lui avait envoyés, d’autant qu’il fallait qu’elle le sût nécessairement, pour connaître quel était le désir qu’il avait de la servir. Même il eut bien l’esprit assez bon pour lui assurer qu’afin qu’elle ne fît point de refus de recevoir ce présent, il avait trouvé l’invention de lui faire dire par son laquais que les papiers étaient de conséquence et concernaient une affaire que son père maniait pour lui. Mais, bien qu’elle crût cela, elle ne laissa pas de persister toujours à lui dire, comme auparavant, que son laquais s’était trompé, et qu’il avait charge sans doute de porter le paquet à une autre fille qu’elle. Depuis, il sut de ce valet la commission que je lui avais donnée, et continua néanmoins à persuader de telle sorte à Diane qu’il avait composé les vers à son sujet, qu’elle fut forcée d’avouer qu’elle ajoutait de la croyance à son dire ; et, parce que les beaux esprits lui plaisaient beaucoup, s’imaginant que celui-là l’était, elle commença de le chérir par-dessus tous ses autres amants.

J’avais fait encore une bon nombre de vers pour elle, et rencontrant dans la rue sa servante, comme on ne voyait goutte, je lui dis :

— Ma mie, donnez cette chanson à mademoiselle Diane, je la lui promis l’autre jour : recommandez-moi à ses bonnes grâces.

La servante ne fit point de difficulté de prendre le papier, ni de le porter à Diane, qui ne pouvait quasi croire qu’il vînt de la part d’où elle pensait que fussent