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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/278

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venus les premiers, parce que l’auteur, qui avait parlé à elle le jour précédent, le lui eût bien pu bailler lui-même sans se servir de finesse.

Pour lui faire connaître que les vers venaient de moi, le lendemain, comme elle était sur sa porte, après souper, je chantai un peu haut, en passant, une des stances que je lui avais envoyées ; elle, qui avait bonne mémoire se souvint bien où elle avait vu la pareille et jeta incontinent les yeux sur moi.

Ce ne fut pas assez ; je lui écrivis encore une lettre, que je lui fis tenir finement, je la fis entrer dedans un coffre qui était au banc qu’elle avait à Saint-Séverin, et, le lendemain, qui était dimanche, comme elle l’ouvrait pour y prendre une bougie et un certain livre de dévotion qu’elle y enfermait, elle l’y trouva. Cette lettre contenait des assurances extrêmes d’affection, et que, si elle avait envie de connaître qui c’était qui lui écrivait, elle n’avait qu’à prendre garde à celui qui dorénavant se mettrait à l’église à l’opposite d’elle et avait un habit de vert-naissant.



J’en avais fait faire un de cette couleur-là tout exprès ; et, parce que dès le matin à la messe, elle avait trouvé mon poulet, elle eut le moyen de le lire auparavant que de venir à vêpres ; voilà pourquoi, quand elle y fut, elle me put bien reconnaître pour son amant, car je m’étais mis proche de son banc dès le commencement du sermon, tant j’avais peur de manquer à mon entreprise, à faute d’y trouver place : je remuais les yeux languissamment et par compas, comme un ingénieur ferait tourner ses machines, et ma petite meurtrière avait