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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/28

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descendit dedans les fossés pour faire en secret quelque chose qu’il avait délibéré.

Il y avait fait mettre, le soir de devant, une cuve de la grandeur qu’il la faut à un homme qui se veut baigner. Dès qu’il en fut proche, il se dépouilla de tous ses habits, hormis de son pourpoint, et, ayant retroussé sa chemise, se mit dedans l’eau jusques au nombril. Il en ressortit incontinent et, ayant battu un fusil, alluma une petite bougie avec laquelle il alla par trois fois autour de la cuve, puis il la jeta dedans où elle s’éteignit. Il y jeta encore quantité de certaine poudre qu’il tira d’un papier, ayant en la bouche beaucoup de mots barbares et étranges qu’il ne prononçait pas entièrement, parce qu’il marmottait comme un vieux singe fâché, étant déjà tout transi de froid encore que l’été fût prêt à venir. Ensuite de ce mystère, il recommença de se baigner et fut soigneux de laver principalement son pauvre zest, qui était plus ridé qu’un sifflet à caille. Au-dessous lui pendait une grande peau flétrie et velue, que l’on eût prise pour l’escarcelle d’un paysan. Je ne suis pas assuré qu’elle fût pleine des choses que naturellement elle devait avoir ; mais je sais bien qu’il la frotta une demi-heure et qu’il s’y fût encore plus longtemps arrêté si, craignant de se morfondre par trop, il ne fût sorti de la cuve pour s’essuyer et se revêtir. Tous ses gestes et toutes ses paroles ne témoignèrent rien que de l’allégresse en remontant sur le bord des fossés.

— Voici déjà le plus fort de cette besogne achevé, dit-il ; plaise à Dieu que je puisse aussi facilement m’acquitter de celle de mon mariage ! Je n’ai plus qu’à faire deux