Aller au contenu

Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3

ou trois conjurations à toutes les puissances du monde, et puis tout ce que l’on m’a ordonné sera accompli. Après cela, je verrai si je serai capable de goûter les douceurs dont la plupart des autres hommes jouissent. Ha ! Laurette, dit-il en se retournant vers le château, vraiment tu ne me reprocheras plus les nuits que je ne suis propre qu’à dormir et à ronfler. Mon corps ne sera plus dedans le lit auprès de toi comme une souche ; désormais il sera si vigoureux qu’il lassera le tien et que tu seras contrainte de me dire, en me repoussant doucement avec tes mains : « Ha ! mon cœur, ha ! ma vie, j’en ai assez pour ce coup ! » Que je serai aise de t’entendre proférer de si douces paroles au lieu des rudes que tu me tiens ordinairement !

En tenant ce discours, il entra dans un grand clos plein de toute sorte d’arbres, où il déploya le paquet qu’il avait apporté de son logis. Il y avait une longue soutane noire, qu’il vêtit par-dessus sa robe de chambre ; il y avait aussi un capuchon de campagne qu’il mit sur sa tête, et se couvrit tout le visage d’un masque de même étoffe qui y était attaché. En cet équipage il recommença de se servir de son art magique, croyant que par son moyen il viendrait à bout de ses desseins.

Il traça sur la terre un cercle dedans une figure octogone avec un bâton dont le bout était ferré, et, comme il était prêt à se mettre au milieu, une sueur et un tremblement lui prirent par tous les membres, tant il était saisi de peur à la pensée qui venait de lui venir que les démons s’apparaîtraient à lui bientôt. Il se fût résout à faire le signe de la croix, n’eût été que celui qui lui