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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/280

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mon amour, le priai de faire connaître à Diane l’auteur des pièces qu’elle avait entre ses mains. Il n’y faillit pas ; et, par un excès de bonne volonté, lui dit de moi tout le bien que l’on peut dire du plus brave personnage de la terre, n’oubliant pas à lui conter comment j’étais issu d’une race des plus nobles. Celui qui s’était attribué mes ouvrages, reconnu pour un lourdeau, perdit son crédit entièrement, et Diane ne demandait pas mieux, sinon que je l’abordasse ; mais elle avait un père revêche, qui ne souffrait guère patiemment de la voir parler à des personnes qui ne fussent point de son ancienne connaissance la trouvant d’une humeur fort aisée à suborner. Notre entrevue ne pouvait donc pas être moyennée sitôt.

En attendant je la courtisais des yeux, et ne manquais pas à me trouver à l’église toutes les fois qu’elle y était. Un jour, j’y allai à un salut avec un gentilhomme de mes amis comme elle n’était pas encore venue. Je n’avais fait que marcher toute l’après-dînée, et, me voulant reposer, m’avisai de m’asseoir sur une planche qui était attachée au-devant de son banc ; sur mon Dieu, je parlais d’elle et d’une sœur qu’elle avait, qui était déjà mariée, lorsque je les vis arriver toutes deux. Afin que celui qui était avec moi ne connût point mon amour, je tâchai de cacher mon émotion, en lui tenant quelque discours. Je parlais un peu haut à la courtisane, en riant quelquefois, et lui tout de même, sans songer que j’importunais possible ma maîtresse et sa sœur. Nous nous levâmes pour quelque temps, continuant toujours notre entretien ; mais aussitôt elles sortirent de leur banc et se vinrent mettre à notre place.