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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/281

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Moi, qui suis soupçonneux au possible en ces affaires-là, je crus qu’infailliblement elles faisaient ceci pour me faire déloger et me contraindre d’aller m’asseoir plus loin afin de n’être plus importunées en mes discours. Incontinent, je m’éloignai, pour montrer que je les révérais tant que j’étais bien marri de leur déplaire. Néanmoins je vous confesse que j’étais infiniment en courroux ; car le mépris qu’il me semblait que Diane avait fait paraître envers moi, en me déplaçant, m’était infiniment sensible ; et même, en l’excès de ma passion, je vins jusques à dire qu’elle n’avait que faire d’être si glorieuse, que j’étais pour le moins autant qu’elle, et que ce lui était un bonheur de me posséder, moi qui devais jeter les yeux sur des filles de plus grande maison qu’elle.

Toute la nuit je ne fis que rêvasser là-dessus, et n’eus point de repos jusques à tant que j’eusse parlé au cousin de Diane, à qui je me plaignis de l’injure qui m’avait été faite, ayant presque la larme aux yeux. À l’heure il se prit à rire si fort, qu’il redoubla mon ennui, me faisant croire qu’il se moquait de moi. Mais voici comme il m’apaisa :

— Mon cher ami, dit-il en m’embrassant, vous avez tort d’être si soupçonneux que de vous imaginer que Diane vous ait méprisé, commettant une incivilité éloignée de son naturel. Mon Dieu ! vous ririez trop si vous saviez la cause de votre aventure ; je me souviens qu’hier soir, étant de retour du salut, Diane se plaignit à la servante de ce qu’il y avait eu quelque gueux qui avait délâché sa croupièrewkt dedans son banc. Ce fut cela qui