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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/283

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ment m’avouerait que celui-là est très heureux, qui peut éviter de si fâcheuses chaînes que celles du mariage, je l’avais entièrement en horreur.

À la fin il se trouva que je n’avais plus qu’une affection fort tiède pour Diane, et, si j’ose trancher le mot, que je n’en avais plus pour tout. L’amour conserva pourtant l’empire qu’il s’était acquis dessus moi, et me fit adorer une autre beauté dont la recherche était beaucoup plus épineuse, encore que je l’abordasse facilement.

Après celle-là, j’en aimai beaucoup d’autres dont je ne vous parlerai point ; ce serait trop vous ennuyer. Qu’il vous suffise que la plupart ont reconnu mon affection par une réciproque ; mais qu’il n’y en a eu guère qui m’aient donné des témoignages d’une passion véhémente, en m’accordant les plus chères faveurs. Il ne luit pas au ciel tant d’étoiles que de beaux yeux m’ont éclairé. Mon âme s’enflammait au premier objet qui m’apparaissait ; et, de cinquante beautés que j’avais le plus souvent dedans ma fantaisie, je ne pouvais pas discerner laquelle m’agréait le plus : je les poursuivais toutes ensemble ; et, lorsque je perdais l’espoir de jouir de quelqu’une, je recevais un déplaisir sans pareil. Par aventure vous conterai-je tantôt quelqu’une de mes amours comme il écherra.

Depuis que je m’étais vu bien en conche[1], continua Francion, j’avais acquis une infinité de connaissances de jeunes hommes de toutes sortes de qualité, comme de nobles, de fils de justiciers, de fils de financiers et de marchands : tous les jours nous étions ensemble à la débauche, où je faisais tant que j’emboursaiswkt plutôt

  1. ndws : vieux mot : bonne ou mauvaise fortune de quelqu’un, cf. Furetière, op. cit., t. I, vue 331.