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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/286

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et qui mérite que l’on lui dise ce que je lui ai dit.

Se sentant offensé tout à fait, il me repartit, après avoir juré par la mort et par le sang, qu’il ne portait pas l’épée comme moi, et que ce n’était pas son métier, mais que si… Il en demeura là, n’osant passer plus outre.

Quant à moi, tournant sa fâcherie en risée, je recommençai à le brocarder :

— Certes, lui dis-je, c’est une bonne finesse de s’efforcer de couvrir d’autant mieux une chose qu’elle est plus infecte et plus puante ; néanmoins la mauvaise odeur parvient jusques à nous. Puisque vous vous efforcez de paraître en habillements, continuai-je, c’est bien un témoignage que vous n’avez rien autre chose de quoi vous rendre estimable ; mais, pardieu, vous avez tort, car vous avez voulu aller tantôt au-dessus d’un galant homme : toutefois, sachez que, si votre corps va au-dessus du sien, son esprit ne laisse pas d’aller au-dessus du vôtre.

Un de mes compagnons me vint dire alors que je le quitasse là.

— Aussi, veux-je, repartis-je ; j’ai bien peu de raison de disputer entre un habit, car je ne vois rien ici autre chose contre qui je puisse avoir querelle ; l’épée vaut beaucoup moins que le fourreau, et, pour dire la vérité, il a raison, ce beau manteau, d’avoir voulu être placé en un lieu plus éminent que cet autre-ci, qui ne le vaut pas. L’on lui pardonne, mais à la charge qu’il n’entrera jamais en contestation qu’avec des manteaux comme lui.

Mon vilain, craignant qu’après avoir affligé son