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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/287

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badaud d’esprit de brocards, je ne vinsse à persécuter son corps à bons coups de bâton, enfila la venelle plus vite qu’un criminel qui a des sergents pour laquais.

Comme les choses s’entresuivent, le lendemain, étant à la porte d’un conseiller avec ses filles et fort bonne compagnie, un enfant de ville bien pimpant vint à passer ; il avait le pourpoint de satin blanc et le bas de soie flamette[1] : bref, il était accommodé en gentilhomme excepté qu’il n’avait point d’épée : il en avait bien une, mais il la faisait porter derrière lui par son laquais.

— Voici la coutume des enfants de Paris, ce dis-je ; ils veulent tous trancher des nobles et quitter la vocation de leurs pères, qui est la cause principale de leurs richesses ; mais certes encore cettui-ci n’est-il pas trop désireux de paraître gentilhomme : il aime si peu les armes qu’il ne les veut avoir que derrière soi, et si, je connais qu’il veut montrer que son laquais est plus noble que lui, car il lui fait porter son épée.

Il n’y eut pas un brave qui n’admirât un si bon trait donné si à propos, lorsque l’on le lui eut récité, et, parce qu’il y avait en nos lois que nos belles paroles et nos remarquables actions devaient être récompensées, chacun ordonna que je prendrais la valeur d’un chapeau de castor sur les deniers de ma recette, pour le prix que je méritais à cause de bien d’autres galanteries que j’avais mises à exécution.

Nous n’attaquions pas seulement le vice à coups de langue ; le plus souvent nous mettions nos épées en usage et chargions sans merci ceux qui nous avaient offensés. Malaisément nous eût-on pu rendre le change, car nous

  1. ndws : couleur rouge qui imite celle du feu clair, cf. éd. Roy, t. II, p. 120.