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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/291

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il me faut avoir une épouse semblable à mademoiselle.

— Que vous êtes moqueur ! lui dit Luce en lui serrant la main et en lui souriant.

— Je vous veux donner des marques plus visibles que le soleil, reprit-il, comme je vous chéris d’une amour toute léalewkt : mon cœur flottera toujours dans la mer de deux cents millions de pensées, à l’appétit glouton de l’ouest et sur-ouest de mes désirs, jusques à tant que je vous aie fait paraître (belle beauté) que je vous adore avec une dévotion si fervente… qu’il en demeura là-dessus, s’égarant en ses conceptions. Or il disait toutes ces paroles à l’oreille de Luce, pour montrer qu’elles étaient fort secrètes ; mais, par une sottise admirable, il ne laissait pas de les prononcer haut, afin que chacun les ouît, croyant qu’elles étaient extrêmement bien arrangées.

Tôt après, changeant de discours, il vint dire :

— Mon âme était dernièrement si grosse d’envie[1] d’avoir une terre qui me plaisait, que j’en donnai trois cent mille livres, encore qu’elle n’en vaille au plus que deux cent cinquante ; désormais je désire que l’on m’appelle du nom de cette belle possession.

« Mon Dieu ! ce dis-je en moi-même, qu’est ceci ? Un homme qui se croit des plus braves du monde veut porter le nom d’une terre, au lieu que la terre devrait porter le sien : quelle faquineriewkt ! Que ne s’acquiert-il plutôt un beau titre par sa générosité ! » Me tournant alors vers un autre endroit, j’en vis deux qui parlaient ensemble, et n’eus plus d’attention que pour leur discours :

  1. ndws : extrême passion ou envie, cf. Oudin, op. cit., p. 259.