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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/292

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— Quel jugement faites-vous de mon habit ! disait l’un, n’est-il pas de la plus belle étoffe pour qui jamais l’on ait payé la douane à Lyon ? Mon tailleur n’entend-il pas bien les modes ? C’est un homme d’esprit, je l’avancerai, si je puis : il y a tel bourgeois qui a un office aux finances qui ne le vaut pas ; mais que me direz-vous de mon chapeau ? cette forme vous plaît-elle ?

— Hélas ! monsieur, répondit l’autre, je trouve tout ce que vous avez extrêmement parfait ; tant plus je vous contemple, tant plus je suis ravi d’admiration ; je ne crois pas que les anges soient mieux vêtus dans le ciel que vous l’êtes sur la terre, quand ils auraient six aunes chacun de l’étoffe du ciel pour se faire un habit dont la broderie serait faite avec des étoiles. Seigneur Dieu, vous êtes un Adon ! combien de Vénus soupirent pour vous ! que les charmes de votre rotondewkt-4 sont puissants ! que cette dentelle si bien retroussée a d’appas pour meurtrir un cœur ! toutefois en voilà un côté qui a été froissé par votre chapeau, dont les bords sont un peu trop grands ; faites-en rogner, je suis votre conseiller d’État en cette affaire, je vous le dis en ami, ce n’est pas pour vous dépriser. Je sais bien que vous avez assez d’autres rares vertus ; car vous avez des bottes les mieux faites du monde, et surtout vos cheveux sont si bien frisés, que je pense que les âmes qui s’y sont prises s’égarent dedans comme dans un labyrinthe.

— Le plus cher de tous mes amis ! lui dit l’autre en le baisant à la joue, vous me donnez des louanges que vous méritez mieux que moi ; l’on sait que vos braves qualités vous font chérir de la majesté réale ; qui plus