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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/297

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— Monsieur, lui dis-je, je vous supplie de me permettre que je brûle ce papier-ci.

— Non ferai, répondit-il, jusques à tant que j’aie vu entièrement ce qu’il contient.

— Ce sont les plus grandes faussetés du monde, répliquai-je.

— Il n’importe donc pas que je les voie, reprit-il.

— Elles vous irriteront, lui dis-je.

— Nullement, me répondit-il ; si l’on m’accuse de quelque chose que j’ai véritablement commis, j’en tirerai du profit et tâcherai de me rendre désormais si vertueux, que je ferai enrager l’envie de n’avoir plus d’occasion de tourner ses armes contre moi ; et si au contraire l’on me blâme sans cause, je ne me soucierai non plus de la médisance qu’un généreux lion se soucierait de l’aboi des petits chiens qui courraient après lui : l’on ose bien crier à l’encontre de moi, mais personne n’ose me mordre.

Cela dit, j’allai à part avec lui, et connaissant la grandeur de son courage, ne feignis point de lui montrer le pasquilwkt. L’ayant lu, il me dit en riant :

— Hé ! ces gens-là sont bien menteurs de dire que je n’affectionne point les hommes de lettres ; ils ne savent pas la doctrine que vous avez, ou bien ils ignorent combien je fais état de vous.

Je le remerciai de la courtoisie qu’il témoignait envers moi, et lui demandai si jamais aucun poète ne lui avait point demandé quelque chose qu’il ne l’eût point accordée : il songea quelque temps et me dit qu’il n’y avait pas trois mois qu’un certain lui avait présenté des vers